LA SAINT-JEAN-BAPTISTE
(Les Anciens Canadiens)
   Philippe Aubert de Gaspé

Une fête typiquement française qui est devenue la fête nationale du peuple Canadien-Français, et plus tard des Québécois : la Saint-Jean-Baptiste.

Notez les différences avec la fête à laquelle vous, vous êtes habitués.

Chaque paroisse | chômait autrefois la fête de son patron. La Saint-Jean-Baptiste, fête patronale de la paroisse de Saint-Jean-Port-Joli, qui tombait dans la plus belle saison de l'année, ne manquait pas d'attirer un grand concours de pèlerins, non seulement des endroits voisins, mais des lieux les plus éloignés. Le cultivateur canadien, toujours si occupé de ses travaux agricoles, jouissait alors de quelque repos, et le beau temps l'invitait à la promenade. Il se faisait de grands préparatifs dans chaque famille pour cette occasion solennelle. On faisait partout le grand ménage, on blanchissait à la chaux, on lavait les planchers que l'on recouvrait de branches d'épinette, on tuait le veau gras, et le marchand avait bon débit de ses boissons. Aussi, dès le vingt-troisième jour de juin, veille de la Saint-Jean-Baptiste, toutes les maisons, à commencer par le manoir seigneurial et le presbytère, étaient-elles encombrées de nombreux pélerins.

Le seigneur offrait le pain bénit et fournissait deux jeunes messieurs et deux jeunes demoiselles de ses amis, invités même de Québec, longtemps d'avance, pour faire la collecte pendant la messe solennelle, célébrée en l'honneur du saint patron de la paroisse. Ce n'était pas petite besogne que la confection de ce pain bénit et de ses accessoires de cousins (gâteaux), pour la multitude qui se pressait, non seulement dans l'église, mais aussi en dehors du temple, dont toutes les portes restaient ouvertes, afin de permettre à tout le monde de prendre part au saint sacrifice. Il était entendu que le seigneur et ses amis dînaient, ce jour-là, au presbytère, et que le curé et les siens soupaient au manoir seigneurial.

Un grand nombre d'habitants, trop éloignés de leurs maisons pour y aller et en revenir entre la messe et les vêpres, prenaient leur repas dans le petit bois de cèdres, de sapins et d'épinettes qui couvrait le vallon, entre l'église et le fleuve Saint-Laurent. Rien de plus gai, de plus pittoresque que ces groupes assis sur la mousse ou sur l'herbe fraîche, autour de nappes éclatantes de blancheur, étendues sur ces tapis de verdure. Le curé et ses hôtes ne manquaient jamais de leur faire visiter et d'échanger, avec les notables, quelques paroles d'amitié. De tous côtés s'élevaient des abris, espèces de wigwams couverts de branches d'érable et de bois résineux, où l'on débitait des rafraîchissements. Les traiteurs criaient sans cesse d'une voix monotone, en accentuant fortement le premier et le dernier mot : À la bonne bière ! Au bon raisin ! À la bonne pimprenelle ! Et les papas et les jeunes amoureux, stimulés pour l'occasion, tiraient avec lenteur, du fond de leur gousset, de quoi régaler les enfants et la créature !

Les Canadiens de la campagne avaient conservé une cérémonie bien touchante de leurs ancêtres Normands : c'était le feu de joie, à la tombée du jour, la veille de la Saint-Jean-Baptiste. Une pyramide | octogone, d'une dizaine de pieds de haut, s'érigeait en face de la porte principale de l'église ; cette pyramide, recouverte de branches de sapin introduites dans les interstices d'éclats de cèdre superposés, était d'un aspect très agréable à la vue. Le curé, accompagné de son clergé, sortait par cette porte, récitait les prières usitées, bénissait la pyramide et mettait ensuite le feu, avec un cierge, à des petits monceaux de paille disposés aux huit coins du cône de verdure. La flamme s'élevait aussitôt pétillante, au milieu des cris de joie, des coups de fusil des assistants, qui ne se dispersaient que lorsque le tout était entièrement consumé.


Étude de texte     Aide - Étude de texte
I - Analyse 1 (vocabulaire/conjugaison) :     Page analyse 1 Texte et page analyse 1
II - Analyse 2 (grammaire) :     Page analyse 2 Texte et page analyse 2
III - Discussion (questions) :     Page discussion Texte et page discussion



Aide - Fichiers de son
Méthode pédagogique








97
 
- 97 -