ROBUR-LE-CONQUÉRANT
   Jules Verne

Encore une machine à voyager, il s'agit plutôt ici de l'ancêtre des hélicoptères, puisque c'est toute une série d'hélices plantées verticalement sur ce qui ressemble à la coque d'un bateau qui maintiennent le vaisseau appelé l'Albatros dans les airs. Maître Robur est l'inventeur de cette machine, il a à son bord des prisonniers : Uncle Prudent et Phil Evans du Weldon-Institute. En ce moment tout l'équipage est en train de chasser la baleine, dangereusement près des eaux...

Manœuvre dangereuse, notez si toutes les précautions sont prises pour éviter le pire.

Cependant, en harponnant une de ces baleines, soit avec le harpon ordinaire, soit avec la fusée Flechter ou la javeline-bombe, dont il y avait un assortiment à bord, cette pêche aurait pu se faire sans danger. Mais à quoi bon cet inutile massacre ? Toutefois, et, sans doute, afin de montrer aux deux membres du Weldon-Institute ce qu'il pouvait obtenir de son aéronef, Robur voulut donner la chasse à l'un de ces monstrueux cétacés. Au cri de « baleine ! baleine ! » Uncle Prudent et Phil Evans sortirent de leur cabine. Peut-être y avait-il quelque navire baleinier en vue... Dans ce cas, pour échapper à leur prison volante, tous deux eussent été capables de se précipiter à la mer, en comptant sur la chance d'être recueillis par une embarcation. Déjà tout le personnel de l'Albatros était rangé sur la plate-forme. Il attendait. « Ainsi, nous allons en tâter, master Robur ? demanda le contremaître Turner.
- Oui, Tom », répondit l'ingénieur.

Dans les roufles de la machinerie, le mécanicien et ses deux aides étaient à leur poste, prêts à exécuter les manœuvres qui seraient commandées par gestes. L'Albatros ne tarda pas à s'abaisser vers la mer, et il s'arrêta à une cinquantaine de pieds au-dessus. (...) « Baleine ! Baleine ! » s'écria de nouveau Tom Turner. En effet, le dos d'un cétacé émergeait à quatre encablures en avant de l'Albatros. L'Albatros courut dessus, et, quand il n'en fut plus qu'à une soixantaine de pieds, il s'arrêta. Tom Turner avait épaulé son arquebuse qui reposait sur une fourche fichée dans la rambarde. Le coup partit, et le projectile, entraînant une longue corde dont l'extrémité se rattachait à la plate-forme, alla frapper le corps de la baleine. La bombe, remplie d'une matière fulminante, fit alors explosion, et, en éclatant, lança une sorte de petit harpon à deux branches, qui s'incrusta dans les chairs de l'animal. « Attention ! » cria Turner. Uncle Prudent et Phil Evans, si mal disposés qu'ils fussent, se sentaient intéressés par ce spectacle. La baleine, blessée grièvement, avait frappé la mer d'un tel coup de queue que l'eau rejaillit jusque sur l'avant de l'aéronef. Puis l'animal plongea à une grande profondeur, pendant qu'on lui filait de la corde préalablement lovée dans une baille pleine d'eau, afin qu'elle ne prît pas feu au frottement.

Lorsque la baleine revint à la surface, elle se mit à fuir à toute vitesse dans la direction du Nord. Que l'on imagine avec quelle rapidité l'Albatros fut remorqué à sa suite ! D'ailleurs, les propulseurs avaient été arrêtés. On laissait faire l'animal, en se maintenant en ligne avec lui. Tom Turner était prêt à couper la corde, pour le cas où un nouveau plongeon aurait rendu cette remorque trop dangereuse. Pendant une demi-heure, et peut-être sur une distance de six milles, l'Albatros fut ainsi entraîné ; mais on sentait que le cétacé commençait à faiblir. Alors, sur un geste de Robur, les aides mécaniciens firent machine en arrière, et les propulseurs commencèrent à opposer une certaine résistance à la baleine, qui, peu à peu, se rapprocha du bord. Bientôt l'aéronef plana à vingt-cinq pieds au-dessus d'elle. Sa queue battait encore les eaux avec une incroyable violence. En se retournant du dos sur le ventre, elle produisait d'énormes remous. Tout à coup, elle se redressa, pour ainsi dire, piqua une tête, et plongea avec une telle rapidité, que Tom Turner eut à peine le temps de lui filer de la corde. D'un coup, l'aéronef fut entraîné jusqu'à la surface des eaux. Un tourbillon s'était formé à la place où avait disparu l'animal. Un paquet de mer embarqua par-dessus la rambarde, comme il en tombe sur les pavois d'un navire qui court contre le vent et la lame. Heureusement, d'un coup de hache, Tom Turner trancha la corde, et l'Albatros, sa remorque détachée, remonta à deux cents mètres sous la puissance de ses hélices | ascensionnelles. Quant à Robur, il avait manœuvré l'appareil sans que son sang-froid l'eût abandonné un instant.


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