LE GRAND MEAULNES
   Alain-Fournier

Augustin Meaulnes, notre héros, revient d'une escapade de quelques jours. Il habite chez le directeur de l'école, à l'école même, et a pour meilleur ami, le fils du directeur : François Sorel, qui est le narrateur. Cette aventure sera le prélude d'une histoire de recherche du bonheur... Nous assistons au retour à l'école du fugitif, et tout le monde à hâte de savoir.

Chez le directeur on semble bien respectueux envers le fugitif, notez les indices.

Un coup brusque au carreau nous fit lever la tête. Dressé contre la porte, nous aperçûmes le grand Meaulnes, secouant, avant d'entrer, le givre de sa blouse, la tête haute et comme ébloui ! Les deux élèves du banc le plus rapproché de la porte se précipitèrent pour l'ouvrir : il y eut à l'entrée comme un vague conciliabule, que nous n'entendîmes pas, et le fugitif se décida enfin à pénétrer dans l'école. Cette bouffée d'air frais venue de la cour déserte, les brindilles de paille qu'on voyait accrochées aux habits du grand Meaulnes, et surtout son air de voyageur fatigué, affamé, mais émerveillé, tout cela fit passer en nous un étrange sentiment de plaisir et de curiosité. M. Seurel était descendu du petit bureau à deux marches où il était en train de nous faire la dictée, et Meaulnes marchait vers lui d'un air agressif. Je me rappelle combien je le trouvai beau, à cet instant, le grand compagnon, malgré son air épuisé et ses yeux rougis par les nuits passées au dehors, sans doute. Il s'avança jusqu'à la chaire et dit, du ton assuré de quelqu'un qui rapporte un renseignement : « Je suis rentré, monsieur.
- Je le vois bien, répondit M. Seurel, en le considérant avec curiosité...
Allez vous asseoir à votre place. » Le gars se retourna vers nous, le dos un peu courbé, souriant d'un air moqueur, comme font les grands élèves indisciplinés lorsqu'ils sont punis, et, saisissant d'une main le bout de la table, il se laissa glisser sur son banc. « Vous allez prendre un livre que je vais vous indiquer, dit le maître - toutes les têtes étaient alors tournées vers Meaulnes - pendant que vos camarades finiront la dictée. » Et la classe reprit comme auparavant.

De temps à autre le grand Meaulnes se tournait de mon côté, puis il regardait par les fenêtres, d'où l'on apercevait le jardin blanc, cotonneux, immobile, et les champs déserts, où parfois descendait un corbeau. Dans la classe, la chaleur était lourde, auprès du poêle rougi. Mon camarade, la tête dans les mains, s'accouda pour lire : à deux reprises je vis ses paupières se fermer et je crus qu'il allait s'endormir. « Je voudrais aller me coucher, monsieur, dit-il enfin, en levant le bras à demi. Voici trois nuits que je ne dors pas. - Allez ! » dit M. Seurel, désireux surtout d'éviter un incident. Toutes les têtes levées, toutes les plumes en l'air, à regret nous le regardâmes sortir, avec sa blouse fripée dans le dos et ses souliers terreux. Que la matinée fut lente à traverser ! Aux approches de midi, nous entendîmes là-haut, dans la mansarde, le voyageur s'apprêter pour descendre. Au déjeuner, je le retrouvai assis devant le feu, près des grands-parents | interdits, pendant qu'aux douze coups de l'horloge, les grands élèves et les gamins éparpillés dans la cour neigeuse filaient comme des ombres devant la porte de la salle à manger. De ce déjeuner, je ne me rappelle qu'un grand silence et une grande gêne (...). Enfin, le dessert terminé, nous pûmes tous les deux bondir dans la cour. Cour d'école, après-midi, où les sabots avaient enlevé la neige... cour noircie où le dégel faisait dégoutter les toits du préau... cour pleine de jeux et de cris perçants !

Meaulnes et moi, nous longeâmes en courant les bâtiments. Déjà deux ou trois de nos amis du bourg laissaient la partie et accouraient vers nous en criant de joie, laissant gicler la boue sous leurs sabots, les mains aux poches, le cache-nez déroulé. Mais mon compagnon se précipita dans la grande classe, où je le suivis, et referma la porte vitrée juste à temps pour supporter l'assaut de ceux qui nous poursuivaient. (...) Dans la classe qui sentait les châtaignes et la piquette, il n'y avait que deux balayeurs, qui déplaçaient les tables. Je m'approchai du poêle pour m'y chauffer paresseusement en attendant la rentrée, tandis qu'Augustin Meaulnes cherchait dans le bureau du maître et dans les pupitres. Il découvrit bientôt un petit atlas, qu'il se mît à étudier avec passion debout sur l'estrade, les coudes sur le bureau, la tête entre les mains.


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