LES MÉMOIRES D'UN ÂNE
   La comtesse de Ségur

Il arrive des tas de choses bonnes et mauvaises à cet âne doué de parole et d'esprit pour réfléchir. Ce soir-là, une catastrophe met en péril cet âne attachant nommé Cadichon. Sa maîtresse Pauline viendra-t-elle le sauver ?

Remarquez comme la relation entre Pauline et Cadichon est touchante.

L'incendie - Un soir que je commençais à m'endormir, je fus réveillé par des cris : Au feu ! Inquiet, effrayé, je cherchai à me débarrasser de la courroie qui me retenait ; mais j'eus beau tirer, me rouler à terre, la maudite courroie ne cassait pas. J'eus enfin l'heureuse idée de la couper avec mes dents : j'y parvins après quelques efforts. La lueur de l'incendie éclairait ma pauvre écurie ; les cris, le bruit augmentaient ; j'entendais les lamentations des domestiques, le craquement des murs, des planchers qui s'écroulaient, le ronflement des flammes ; la fumée pénétrait déjà dans mon écurie, et personne ne songeait à moi ; personne n'avait la charitable pensée d'ouvrir seulement ma porte pour me faire échapper. Les flammes augmentaient de violence ; je sentais une chaleur incommode qui commençait à me suffoquer. « C'est fini, me dis-je, je suis condamné à brûler vif ; quelle mort affreuse ! Oh ! Pauline ! Ma chère maîtresse ! Vous avez oublié votre pauvre Cadichon. »

À peine avais-je, non pas prononcé, mais pensé ces paroles, que ma porte s'ouvrit avec violence, et j'entendis la voix terrifiée de Pauline qui m'appelait. Heureux d'être sauvé, je m'élançai vers elle, et nous allions passer la porte, lorsqu'un craquement épouvantable nous fit reculer. Un bâtiment en face de mon écurie s'était écroulé ; ses débris bouchaient tout passage : ma pauvre maîtresse devait périr pour avoir voulu me délivrer. La fumée, la poussière de l'éboulement et la chaleur nous suffoquaient. Pauline se laissa tomber près de moi. Je pris subitement un parti dangereux, mais qui seul pouvait nous sauver. Je saisis avec mes dents la robe de ma petite maîtresse presque évanouie, et je m'élançai à travers les poutres enflammées qui couvraient la terre. J'eus le bonheur de tout traverser sans que sa robe prit feu ; je m'arrêtai pour voir de quel côté je devais me diriger, tout brûlait autour de nous. Désespéré, découragé, j'allais poser à terre Pauline complètement évanouie, lorsque j'aperçus une cave ouverte ; je m'y précipitai, sachant bien que nous serions en sûreté dans les caves voûtées du château. Je déposai Pauline près d'un baquet plein d'eau, afin qu'elle pût s'en mouiller le front et les tempes en revenant à elle, ce qui ne tarda pas à arriver.

Quand elle se vit sauvée et à l'abri de tout danger, elle se jeta à genoux, et fit une prière touchante pour remercier Dieu de l'avoir préservée d'un si terrible danger. Ensuite elle me remercia avec une tendresse et une reconnaissance qui m'attendrirent. Elle but quelques gorgées de l'eau du baquet et écouta. Le feu continuait ses ravages, tout brûlait ; on entendait encore quelques cris, mais vaguement, et sans pouvoir reconnaître les voix. « Pauvre maman et pauvre papa ! dit Pauline, ils doivent croire que j'ai péri en leur désobéissant, en allant à la recherche de Cadichon. » Maintenant il faut attendre que le feu soit éteint. Nous passerons sans doute la nuit dans la cave. Bon Cadichon, ajouta-t-elle, C'est grâce à toi que je vis. Elle ne parla plus ; elle s'était assise sur une caisse renversée, et je vis qu'elle dormait. Sa tête était appuyée sur un tonneau vide. Je me sentais fatigué, et j'avais soif. Je bus l'eau du baquet ; je m'étendis près de la porte, et je ne tardai pas à m'endormir de mon côté.


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