L'AUBERGE DE L'ANGE-GARDIEN
   La comtesse de Ségur

C'est une histoire d'enfants perdus, qu'un militaire trouve sur son chemin. Il se passera de belles choses pour ces deux petits et pour les gens qui auront été bons pour eux.

Notez à quel point l'aîné pense d'abord à son petit frère.

Il faisait froid, il faisait sombre ; la pluie tombait fine et serrée ; deux enfants dormaient au bord d'une grande route, sous un vieux chêne touffu : un petit garçon de trois ans et un autre de six ans, couché à ses pieds, les lui réchauffant de son corps ; le petit avait des vêtements de laine, communs, mais chauds ; ses épaules et sa poitrine étaient couvertes de la veste du garçon de six ans, qui grelottait en dormant ; sa figure exprimait la souffrance, des larmes à demi séchées se voyaient encore sur ses joues amaigries. Les deux enfants se ressemblaient, ils devaient être frères ; mais le petit avait les lèvres souriantes, les joues rebondies ; il n'avait dû souffrir ni du froid ni de la faim comme son frère aîné.

Les pauvres enfants dormaient encore quand, au lever du jour, un homme passa sur la route, accompagné d'un beau chien Saint-Bernard. L'homme avait toute l'apparence d'un militaire ; il marchait en sifflant, ne regardant ni à droite ni à gauche. En s'approchant des enfants qui dormaient sous le chêne, le chien dressa les oreilles, quitta son maître et s'élança vers l'arbre, sans aboyer. Il regarda les enfants, les flaira, leur lécha les mains et poussa un léger gémissement comme pour appeler son maître. L'homme s'arrêta et appela son chien :
- Capitaine ! Ici, Capitaine !
Capitaine restait immobile ; il poussa un second gémissement plus prolongé et plus fort. Le voyageur, devinant qu'il fallait porter secours à quelqu'un, s'approcha et vit avec surprise les deux enfants abandonnés. En se baissant vers eux, il vit qu'ils respiraient ; il toucha les mains du petit : elles n'étaient pas très froides ; celles du plus grand étaient complètement glacées.
- Comment a-t-on laissé de pauvres petits êtres si jeunes, seuls, sur une grande route ? dit l'homme à mi-voix. Que faire ? Les emmener ? J'ai loin à aller et je suis à pied ; ils ne pourraient me suivre.

Pendant que l'homme réfléchissait, le chien commençait à aboyer ; ce bruit réveilla le frère aîné ; il ouvrit les yeux, regarda le voyageur d'un air étonné.
L'HOMME - Pourquoi êtes-vous seuls ici tous les deux ?
L'ENFANT - Parce que maman est morte et papa a été pris par des gendarmes, et nous n'avons plus de maison et nous sommes tout seuls.
L'HOMME - Pourquoi les gendarmes ont-ils emmené ton papa ?
L'ENFANT - Je ne sais pas ; peut-être pour lui donner du pain ; il n'en avait plus.
L'HOMME - Qui vous donne à manger ?
L'ENFANT - Ceux qui veulent bien, mais Paul en a toujours assez.
L'HOMME - Et toi, tu ne manges pas tous les jours ?
L'ENFANT - Oh ! moi, ça ne fait rien, puisque je suis grand ! L'homme était bon ; il se décida à emmener les enfants avec lui jusqu'au village voisin.
L'HOMME - Comment t'appelles-tu, mon pauvre petit ?
L'ENFANT - Je m'appelle Jacques, et mon frère, c'est Paul. - Eh bien, mon petit Jacques, veux-tu que je t'emmène ? Réveille ton frère et partons.
JACQUES - Mais Paul est fatigué ; il ne pourra pas marcher aussi vite que vous.
L'HOMME - Je le mettrai sur le dos de Capitaine ; tu vas voir. Le voyageur souleva doucement le petit Paul toujours endormi, le plaça à cheval sur le dos du chien, enveloppa le petit dans sa veste militaire, et, pour l'empêcher de tomber, noua les manches sous le ventre du chien.
- Tiens, remets ta veste, dit-il à Jacques en la lui rendant, et partons.
Jacques se leva, chancela et retomba à terre, de grosses larmes roulèrent de ses yeux.
L'HOMME - Qu'as-tu donc, mon pauvre petit ? Pourquoi pleures-tu ?
JACQUES - C'est que je ne peux plus marcher ; je n'ai plus de forces, j'ai trop faim ; je n'ai pas mangé hier ; je n'avais plus qu'un morceau de pain pour Paul.


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