Il n'y a pas de mais,
mon ami ; il faut obéir à ton père, tu sais. Tu es bon garçon,
bien studieux, bien intelligent, bien habile.
Tu feras ton chemin, je te le promets ;
mais plus tard, quand ton père te laissera faire. Gaspard
se leva en soupirant et suivit lentement Lucas, qui trépignait
d'impatience à la porte. Quand ils furent sortis
du village, Lucas se mit à courir.
- Viens vite, Gaspard, dépêche-toi. Si tu savais comme mon
père est en colère ! Nous attendions le
déjeuner qui était en retard ! Il a été voir pourquoi tu
ne l'apportais pas, et il n'était pas déjà trop
content. Mais quand il a vu que tu n'avais pas
aidé maman à battre son beurre et que tu
étais parti pour l'école, que la pauvre maman était si fatiguée
qu'elle ne pouvait plus tourner la baratte,
et que le beurre n'avait pas pris, il a été d'une colère
à nous faire tous trembler. Bien sûr, il va te battre. Il
a été couper une gaule dans le bois ; je
crains que ce ne soit pour toi. Gaspard hâta le pas et se
mit à pleurer.
- Mon Dieu ! Mon Dieu ! Que vais-je devenir ? Quand il est
en colère, il n'écoute rien, il tape comme sur une gerbe
de blé.
Il courait pourtant ; Lucas
courait plus vite encore, espérant adoucir son père avant
que Gaspard l'eût rejoint. Mais Gaspard
avait perdu du temps à se décider à quitter la classe ;
il avait marché lentement jusqu'après la sortie du village.
La colère du père avait augmenté au lieu de diminuer. Quand
il les aperçut, il alla au-devant d'eux,
et, sans écouter les supplications de Lucas,
sans avoir égard à la terreur de Gaspard,
sans dire une parole, il saisit Gaspard par les cheveux,
et, avec la gaule qu'il tenait à la main, il lui administra
une si rude correction, que Gaspard commença par crier
grâce et pardon, puis par pousser des cris lamentables
qui firent accourir la mère et les gens de la ferme.
La mère se jeta sur le bras
de son mari et lui arracha la gaule qu'il avait si rudement
employée.
LA MÈRE THOMAS : Tu as tapé trop fort Thomas. Quand tu es
en colère, tu ne sais plus ce que tu fais.
LE PÈRE THOMAS : Oui, j'ai tapé pour qu'il le sente, et
s'il recommence, je taperai plus fort encore. Gaspard pleurait,
Lucas pleurait la mère Thomas était mécontente, le père
Thomas n'était pas content, et les garçons et les filles
de ferme se groupèrent autour de Gaspard
et de Lucas pour les consoler.
UNE FILLE DE FERME : Ne pleure pas, mon Lucas ; tu ne seras
pas battu, toi.
UNE AUTRE FILLE : Ah ! pour ça, non ; ce n'est pas toi qui
te sauverais à l'école de peur de l'ouvrage.
UN GARÇON DE FERME : Voyons, Gaspard, faut pas pleurer,
mon garçon. Ce qui est fini est fini et ne recommencera
pas.
UN AUTRE GARÇON : Tu n'es pas le seul qui ait été battu
; je l'ai bien été, moi aussi, et je m'en porte
pas plus mal.
UNE FILLE : Sans compter que tu n'avais pas raison de courir
à l'école et de nous laisser tous jeûner.
UNE AUTRE FILLE : Et de laisser ta mère s'échiner
après le beurre, sans seulement lui donner un coup de main.
LE PÈRE THOMAS : Aurez-vous bientôt fini, vous autres ?
L'ouvrage est en retard à cause de ce grand paresseux. Allons
! Que chacun prenne sa fourche et son râteau,
et aux champs ! Marche en avant, toi, savant ; je finirai
bien par t'apprendre ce que tu sembles ne pas savoir encore,
qu'il n'est pas bon de me mettre en colère. |