L'Âne qui porte du sel, Ésope - Un
âne portant du sel traversait une rivière
; il glissa et tomba dans l'eau. Alors le sel se fondit,
et il se releva plus léger, et fut enchanté
de l'accident. Une autre fois, comme il arrivait au bord
d'une rivière avec une charge d'éponges,
il crut que, s'il se laissait tomber encore,
il se relèverait plus léger, et il fit
exprès de glisser. Mais il advint que les
éponges ayant pompé l'eau, il ne put se relever et périt
noyé. Ainsi parfois les hommes ne se doutent pas que ce
sont leurs propres ruses qui les précipitent
dans le malheur. |
L'ÂNE CHARGÉ D'ÉPONGES
ET L'ÂNE CHARGÉ DE SEL
La Fontaine
Un ânier,
son sceptre à la main,
Menait, en empereur romain,
Deux coursiers à longues oreilles.
L'un d'éponges chargé marchait comme un courrier
;
Et l'autre se faisant prier
Portait, comme on dit, les bouteilles :
Sa charge était de sel.
Nos gaillards | pèlerins,
Par monts, par vaux et
par chemins,
Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent,
Et fort empêchés se trouvèrent.
L'ânier, qui tous les jours traversait ce gué-là,
Sur l'âne à l'éponge monta,
Chassant devant lui l'autre bête,
Qui voulant en faire à sa tête,
Dans un trou se précipita,
Revint sur l'eau, puis échappa ;
Car au bout de quelques nagées,
Tout son sel se fondit si bien
Que le baudet ne sentit rien
Sur ses épaules soulagées.
Camarade épongier prit exemple sur lui,
Comme un mouton qui va dessus la foi d'autrui.
Voilà mon âne à l'eau : jusqu'au col il
se plonge,
Lui, le conducteur et l'éponge.
Tous trois burent d'autant : l'ânier et le grison
Firent à l'éponge raison.
Celle-ci devint si pesante,
Et de tant d'eau s'emplit d'abord,
Que l'âne succombant ne put gagner le bord.
L'ânier l'embrassait dans l'attente
D'une prompte et certaine mort.
Quelqu'un vint au secours : qui ce fut, il n'importe
;
C'est assez qu'on ait vu par là qu'il ne faut point
Agir chacun de même sorte.
J'en voulais venir à ce point.
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