LE PAYS DES FOURRURES
   Jules Verne

Dans le Grand Nord, quand il fait froid, il faut absolument pouvoir faire du feu, sinon c'est la mort. Les voyageurs sont ici confrontés à une situation difficile : le froid est extrême, il n'y a plus de bois dans la cabane, il faut donc envoyer quelqu'un au hangar ramener un traîneau chargé de bois. Entreprise périlleuse à cause du froid et des animaux sauvages.

Deux ennemis : les ours et le froid. Demandez-vous lequel des deux est le plus cruel.

Le temps, au-dehors, était extraordinairement sec. Les étoiles resplendissaient avec un éclat extraordinaire. Le sergent Long, sans tarder un instant, s'élança au milieu de l'obscurité, entraînant dans sa course l'extrémité de la corde dont ses compagnons conservaient l'autre bout. La porte extérieure fut alors repoussée contre le chambranle, et Jasper Hobson, Mac Nap et Raë rentrèrent dans le couloir, dont ils fermèrent hermétiquement la seconde porte. Puis ils attendirent. Si Long n'était pas revenu après quelques minutes, on devait supposer que son entreprise avait réussi, et qu'installé dans le hangar, il formait le premier train de bois. Mais dix minutes au plus devaient suffire à cette opération, si toutefois la porte du magasin n'avait pas résisté. Pendant ce temps, Raë surveillait le grenier et les ours. Par cette nuit noire, on pouvait espérer que le rapide passage du sergent leur eût échappé. Dix minutes après le départ du sergent, Jasper Hobson, Mac Nap et Raë rentrèrent dans l'étroit espace compris entre les deux portes du couloir, et là ils attendirent que le signal de haler le traîneau leur fût fait. Cinq minutes s'écoulèrent. La corde dont ils tenaient le bout ne remua pas. Que l'on juge de leur anxiété ! Le sergent était parti depuis un quart d'heure, laps de temps plus que suffisant pour le chargement du traîneau, et aucun avertissement n'était donné.

Jasper Hobson attendit quelques instants encore ; puis, raidissant l'extrémité de la corde, il fit signe à ses compagnons de haler avec lui. Si le train de bois n'était pas prêt, le sergent saurait bien arrêter le halage. La corde fut tirée vigoureusement. Un objet lourd vint en glissant peu à peu sur le sol. En quelques instants, cet objet arriva à la porte extérieure... C'était le corps du sergent, attaché par la ceinture. L'infortuné Long n'avait pas même pu atteindre le hangar. Il était tombé en route, foudroyé par le froid. Son corps, exposé pendant près de vingt minutes à cette température, ne devait plus être qu'un cadavre. Mac Nap et Raë, poussant un cri de désespoir, transportèrent le corps dans le couloir ; mais, au moment où le lieutenant voulut refermer la porte extérieure, il sentit qu'elle était violemment repoussée. En même temps, un horrible grognement se fit entendre. « À moi ! » s'écria Jasper Hobson. Mac Nap et Raë allaient se précipiter à son secours. Une autre personne les précéda. Ce fut Mrs. Paulina Barnett, qui vint joindre ses efforts à ceux du lieutenant pour refermer la porte. Mais la monstrueuse bête, s'appuyant de tout le poids de son corps la repoussait peu à peu et allait forcer l'entrée du couloir. Mrs. Paulina Barnett, saisissant alors un des pistolets passés à la ceinture de Jasper Hobson, attendit avec sang-froid l'instant où la tête de l'ours s'introduisait entre le chambranle et la porte, et elle le déchargea dans la gueule ouverte de l'animal. L'ours tomba en arrière, frappé à mort sans doute, et la porte, refermée, put être barricadée solidement.

Aussitôt, le corps du sergent fut apporté dans la grande salle et étendu près du poêle. Mais les derniers charbons s'éteignaient alors ! Comment le ranimer, ce malheureux ? Comment rappeler en lui cette vie dont tout symptôme semblait disparu ? « J'irai, moi ! j'irai ! s'écria le forgeron Raë, j'irai chercher ce bois, ou...
- Oui, Raë ! dit une voix près de lui, et nous irons ensemble ! »
C'était sa courageuse femme qui parlait ainsi. « Non, mes amis, non ! s'écria Jasper Hobson. Vous n'échapperiez ni au froid ni aux ours. Brûlons tout ce qui peut être brûlé ici, et ensuite, que Dieu nous sauve ! » Et alors, tous ces malheureux, à demi gelés, se relevèrent, la hache à la main, comme des fous. Les bancs, les tables, les cloisons, tout fut démoli, brisé, réduit en morceaux, et le poêle de la grande salle, le fourneau de la cuisine ronflèrent bientôt sous une flamme ardente, que quelques gouttes d'huile de morse activaient encore ! La température intérieure remonta d'une douzaine de degrés. Les soins les plus empressés | furent prodigués au sergent.


Étude de texte     Aide - Étude de texte
I - Analyse 1 (vocabulaire/conjugaison) :     Page analyse 1 Texte et page analyse 1
II - Analyse 2 (grammaire) :     Page analyse 2 Texte et page analyse 2
III - Discussion (questions) :     Page discussion Texte et page discussion



Aide - Fichiers de son
Méthode pédagogique








102
 
- 102 -