LE LYS DANS LA VALLÉE
   Honoré de Balzac

Le Lys dans la vallée, c'est cette femme, la comtesse Henriette de Mortsauf, chez qui Félix est en ce moment, en compagnie d'un ami. Il est tombé éperdument amoureux de cette femme pourtant mariée et mère de famille. Il avait même poussé l'audace, lors de la première rencontre, jusqu'à lui faire un baiser.

L'amour pousse Félix à rechercher à tout prix à s'intégrer à la famille, notez.

Carrelée en carreaux blancs fabriqués en Touraine, et boisée à hauteur d'appui, la salle à manger était tendue d'un papier verni qui figurait de grands panneaux encadrés de fleurs et de fruits ; les fenêtres avaient des rideaux de percale ornés de galons rouges ; les buffets étaient de vieux meubles de Boule, et le bois des chaises, garnies en tapisserie faite à la main, était de chêne sculpté. Abondamment servie, la table n'offrit rien de luxueux : de l'argenterie de famille sans unité de forme, de la porcelaine de Saxe qui n'était pas encore redevenue à la mode, des carafes octogones, des couteaux à manche en agate, puis sous les bouteilles des ronds en laque de la Chine ; mais des fleurs dans des seaux vernis et dorés sur leurs découpures à dents de loup. J'aimai ces vieilleries, je trouvai le papier Réveillon et ses bordures de fleurs superbes.

Le contentement qui enflait toutes mes voiles m'empêcha de voir les inextricables difficultés mises entre elle et moi par la vie si cohérente de la solitude et de la campagne, j'étais près d'elle, à sa droite, je lui servais à boire. Oui, bonheur inespéré ! je frôlais sa robe, je mangeais son pain. Au bout de trois heures, ma vie se mêlait à sa vie ! Enfin, nous étions liés par ce terrible baiser, espèce de secret qui nous inspirait une honte mutuelle. Je fus d'une lâcheté glorieuse : je m'étudiais à plaire au comte, qui se prêtait à toutes mes courtisaneries ; j'aurais caressé le chien, j'aurais fait la cour aux moindres désirs des enfants ; je leur aurais apporté des cerceaux, des billes d'agate ; je leur aurais servi de cheval, je leur en voulais de ne pas s'emparer déjà de moi comme d'une chose à eux.

L'amour a ses intuitions comme le génie a les siennes, et je voyais confusément que la violence, la maussaderie, l'hostilité, ruineraient mes espérances. Le dîner se passa tout en joies intérieures pour moi. En me voyant chez elle, je ne pouvais songer ni à sa froideur réelle, ni à l'indifférence que couvrit la politesse du comte. L'amour a, comme la vie, une puberté pendant laquelle il se suffit à lui-même. Je fis quelques réponses gauches en harmonie avec les secrets tumultes de la passion, mais que personne ne pouvait deviner, pas même elle, qui ne savait rien de l'amour. Le reste du temps fut comme un rêve. Ce beau rêve cessa quand, au clair de la lune et par un soir chaud et parfumé, je traversai l'Indre au milieu des blanches fantaisies qui décoraient les prés, les rives, les collines ; en entendant le chant clair, la note unique, pleine de mélancolie que jette incessamment par temps égaux une rainette dont j'ignore le nom scientifique, mais que, depuis ce jour solennel, je n'écoute pas sans des délices infinies. Je reconnus un peu tard là, comme ailleurs, cette insensibilité de marbre contre laquelle s'étaient jusqu'alors émoussés mes sentiments ; je me demandai s'il en serait toujours ainsi ; je crus être sous une fatale influence...


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